Nues
Photographies retouchées, 1991-1994

Série de 24 photographies, retouchées et rephotographiées, tirage sur papier baryté, 18 X 24 cm chaque

Collection du Fonds National d’Art Contemporain.
Exposée entre autres par Wendelien van Oldenborgh, Anvers, à la galerie Arndt und Partner, Berlin, aux Rencontres photographiques d’Arles 1995 (curateur Michel Nuridsany), dans l’exposition Transit, ENSBA Paris 1997, et dans l’exposition Des images comme des oiseaux (Friche de la Belle de Mai, Marseille 2013), curateur Patrick Tosani, artiste associé Pierre Giner.

Jakob Gautel se dit « faussaire et imposteur visuel ». Et c’est bien d’une imposture dont sont victimes, dans la série Nues, les stars féminins du cinéma. Quant aux pauvres admirateurs du glamour éternel de ces déesses modernes, ils sont, eux, les victimes abusées du faussaire Gautel.

Nues est une galerie de portraits de stars, répondant au canons esthétiques de la vamp tels qu’ils furent définis par le star-system de l’industrie cinématographique dans l’ère classique de cet art : regard enjôleur, bouche lascive, attitude provocante, poitrine avantageuse … Mais ce sont des portraits très singuliers puisqu’on leur a infligé à chacun un traitement très spécial : un élément essentiel de leur séduction, la chevelure, leur a été ôté. Le pouvoir érotique du cheveu a tout simplement été éradiqué. Marilyn, Ava, Brigitte, Marlène, Greta, ont toutes été rasées, « tondues » par l’artiste.

A une époque où l’on fait si facilement appel aux logiciels informatiques de retouche d’image, Jakob Gautel utilise, lui, la technique traditionnelle, en voie de disparition, de la retouche manuelle au pinceau et à l’aérographe (il rephotographie ensuite l’image obtenue). La retouche, cette technique obligatoire d’embellissement à l’époque de la prise de vue originelle, s’ajoutait à d’autres artifices : maquillage, lumière. Jakob Gautel inverse donc le procédé en l’appliquant cette fois, en négatif, à la coiffure. Il réutilise ainsi les artifices de ce « gigantesque appareil de fétichisation de la sexualité » (Gérard Lenne) qu’est le cinéma. Le résultat est spectaculaire et on comprend alors la stupeur de John (la photographie Greta et John clôt la série) face à la tentatrice Greta Garbo, rasée.

Si le cheveu ras, depuis Claude Cahun, est symbole d’un refus des canons esthétiques imposés par l’homme, sur le corps féminin, il rappelle aussi d’autres épisodes moins glorieux de l’Histoire. Néanmoins, aujourd’hui, de la mode jusqu’au cinéma, la figure troublante de l’androgyne s’est imposée. Déféminisés, ces grands mythes érotiques se muent de machines à fantasmes en figures de proue d’une nouvelle esthétique de troisième type.

Pascal Beausse,
dans le catalogue de l’exposition Transit. 60 artistes nés après 60 / œuvres du Fonds National d’art contemporain, Paris, 1997

→  Collection du CNAP, Fonds National d’Art Contemporain


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