Maria Theodora / Photographies
1862/63 (?) et 1996/97

Série d’une photographie sépia et de 120 photographies noir et blanc
Costume : Baby Jim Aditya Recherches textiles : Lanny Suryo Kusumo
Remerciements à Farah Riziani Rachmat, Florent Stoffer, Jerry Thung et Barbara, Retty Hakim, Winda Gracias, Hanny, au Centre Culturel Français et au Goethe-Institut Jakarta et à tous les amis et participants.

Réalisé dans le cadre du programme Villa Médicis hors des murs de l’AFAA (Institut français), Ministère des Affaires Etrangères.

Collection de l’artiste, collection Neuflize Vie, et collection MAC VAL, musée d’art contemporain du Val-de-Marne, France.

Dans un célèbre passage de La Chambre claire, Roland Barthes décrit sa quête pour retrouver le « vrai » visage de sa mère récemment décédée en scrutant des photographies de famille. Une impulsion semblable a poussé Jakob Gautel à réaliser Maria Theodora. L’œuvre relève à la fois d’une recherche autobiographique et d’une réflexion sur ce que peut réellement nous révéler une image photographique. Le point de départ est une enquête de Gautel sur l’enfance d’une aïeule aux origines exotiques. Métisse, Maria Theodora est née en Indonésie coloniale vers le milieu du dix-neuvième siècle d’un père allemand et d’une mère indigène. De cette arrière-arrière-grand-mère, contrainte, adolescente, de quitter son pays natal et sa mère pour se rendre en Europe avec son père, la famille de Gautel a conservé des fragments d’un journal intime, et surtout une photographie réalisée peu après son arrivée en Allemagne. Ces documents incomplets soulèvent de multiples questions sur l’histoire de la jeune fille. À travers eux, se devine également le fantôme sans visage de la mère de Maria Theodora.
C’est cette histoire énigmatique que l’artiste a cherché à élucider par la voie d’un livre, d’une vidéo et d’un dispositif photographique. Pour ce dernier, Gautel est parti du portrait original de Maria Theodora qu’il a ensuite reconstitué en faisant appel à la fois à des modèles asiatiques et européens. Cette alternance de femmes d’origines différentes traduit la double nature de la métisse Maria Theodora. Les poses un peu guindées évoquent de même la posture difficile de la jeune fille, prise entre deux mondes. Plus important, la multiplication de ces reconstitutions photographiques est pour l’artiste une manière de creuser l’image de son aïeule. Mais la mosaïque de portraits ainsi conçue ne fait que diffracter encore plus l’image de Maria Theodora, dont la nature véritable continue de se dérober, laissant entier le mystère de sa photographie.

Larisa Dryansky 2006
Texte pour l’ouvrage Photographies modernes et contemporaines. La collection Neuflize Vie, Flammarion, 2007


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