Des cow-boys et des copies
Arthur Miller

Il m’est arrivé d’être en plein désert, parmi des cow-boys. Nous étions arrivés à une cabane, à peine plus grande que cette pièce, dont les cow-boys se servaient comme lieu de repos. Il n’y avait rien à moins de 50 miles. Juste ce petit abri. Sur le sol, il y avait des magazines féminins, mais aussi des revues avec des cow-boys de cinéma. Et j’ai alors découvert qu’ils pensaient que ces cow-boys-là étaient des vrais cow-boys, et qu’eux n’étaient que des travailleurs. Comme si la réalité ou la vérité était dans les films. Je me souviens avoir ressenti qu’ils se dévalorisaient eux-mêmes, qu’ils se considéraient comme des moins que rien, parce que la société elle-même ne les respectait pas, eux qui étaient pourtant des personnes authentiques, alors qu’elle respectait davantage ceux qui tentaient de les copier. C’était la fin de la conscience humaine.

Arthur Miller dans un entretien avec Serge Toubiana sur le making-of du film The Misfits, 1998, Cahiers du cinéma 1999, traduction de l’anglais Margaux Lamy